Les Egyptiens parlent football, économie et propagande!

Nevine Ahmed Hanaa Khachaba Dimanche 08 Juillet 2018-12:54:53 Dossier
 Les Egyptiens parlent football,  économie et propagande!
Les Egyptiens parlent football, économie et propagande!

Il suffit d'un match de foot au Mondial ou de certaines mesures prises par le gouvernement et intéressant le grand public et touchant sa quotidienneté pour que cela devienne le sujet qui défraie la chronique. Sur la Toile, les Egyptiens ne parlent que de matchs de foot, soit ceux de la sélection ou les autres du Mondial, de la nouvelle levée progressive de la subvention sur le carburant et les prix de l'énergie, ou bien de la grande campagne de propagande lancée pour promouvoir le tourisme et l'investissement en Egypte.

 

 

De principales questions dominent depuis quelques semaines les esprits des Egyptiens. Entre mauvaises et bonnes nouvelles, l’opinion publique ne reste pas impassible. Les réactions arrivent variées. De plus calmes et objectives aux plus dramatiques et cocasses, les foules n’ont jamais reçu de la même manière telle ou telle démarche venant des autorités (nouvelles réductions de la subvention aux carburants, campagne d’envergure de promotion touristique).

 

L'Egypte éliminée… entre compréhension et emportement

Même face à un événement sportif, tel le Mondial de football 2018, la passion se déchaîne. Les comportements diffèrent pourtant. Quelques supporters n'ont que de bons mots pour les Pharaons, d'autres affichent leur colère. Il y en a donc qui se félicitent déjà de la seule participation de l’équipe nationale à la compétition. «Les 11 joueurs ont fait ce qu’ils ont à faire, loin de la tendance d’autoflagellation», estiment-ils. D’autres plus pessimistes déplorent une sortie prématurée des Pharaons du marathon, les accusant d’avoir brisé le rêve de leurs compatriotes.

Déjà jouer au Mondial nous remplit de fierté et de joie! L’équipe nationale du football s’est qualifiée aux côtés de 31 autres pays censés être les meilleurs de la sphère magique. «Bien sûr qu’on sort la tête haute», estiment quelques blogueurs. «Quand tu tiens tête à des équipes mondiales et championnes, tu ne peux que sortir la tête haute, même si battue (...) Nous avons des joueurs qui peuvent être fiers de ce qu’ils ont fait et même du fait qu'ils ont réussi à esquisser un sourire sur le visage des Egyptiens et une joie dans leurs cœurs après s'être qualifié au Mondial, après 28 ans d'absence», peut-on aussi lire.

Si les Pharaons ont été éliminés prématurément, ce n’est pas la fin du monde. Le grand Mo Salah, blessé, a changé la donne. Mais les Egyptiens avaient-ils vraiment raison de résumer toute l’équipe en la seule personne de l’international de Liverpool qui fait trembler les filets de l’équipe adverse chaque fois qu’il est dans le jeu? L’attaquant égyptien, joueur africain de l’année, meilleur joueur du Championnat d’Angleterre, est un prétendant crédible au prochain Ballon d’or.

Or, à force de faire croire aux 100 millions d’Egyptiens que l’Egypte n’est pas la même avec ou sans Mo Salah, on a excessivement basculé dans la frustration lorsque l’équipe nationale a été menée 3 à 1 par la Russie. Autant d’enthousiasme autant de déception!

«Les Pharaons ont bien joué. Mais nous avons perdu», déplorent certains. Ils ont donné leur meilleur au jeu même si la chance ne s’est pas placée de leur côté pour finir. Une autoflagellation n’est pas donc la meilleure des réactions. Il faudrait mieux préciser les lacunes survenues lors des matches disputés avec l’Uruguay puis la Russie afin de pouvoir améliorer la prestation des 11 joueurs censés former une équipe en pleine cohésion et harmonie. Chacun d’eux est un maillon fort du système d’Hector Cuper par leur maturité tactique et leur capacité à donner vie à chaque coin du terrain.

Si des blagues parfois mal placées circulent sur les réseaux sociaux, c’est que leurs auteurs, bien intentionnés dirait-on, souhaitent atténuer la déception. La plaisanterie est un remède prouvé contre le désappointement, ce qui pousse souvent les Egyptiens, peuple ayant beaucoup d’esprit, de tourner en dérision ce qui lui fait mal pour garder sa capacité de supporter les dures épreuves et les mauvaises surprises. Le football demeure avant tout un sport. Un gagnant, un perdant, c’est bien là toute la philosophie des sports dans leur intégralité censés aider les gens à se rapprocher, mettre de côté leurs divergences et encourager le bon jeu!

 

Nouvelle baisse de la subvention aux carburants

Le gouvernement a procédé à une nouvelle baisse de la subvention aux carburants. Cette décision rentre dans le cadre des plans de réforme économique. Ce n’est aucunement pas une douche froide, le plan ne datant pas d’hier! Depuis son ascension au pouvoir, le chef d’Etat avait annoncé une restructuration de l’économie égyptienne pour corriger le système des subventions aux produits pétroliers et ajuster les distorsions des prix. Il fallait soumettre le système des subventions au bistouri d’un brillant chirurgien afin de rendre justice à de larges pans de la société qui bénéficiaient à peine, sinon nullement, des produits subventionnés. La levée progressive de la subvention aux carburants et à l’énergie en général avait fait effectivement une longue et profonde étude par plusieurs organes, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Si c’est vrai que le gouvernement avait déjà augmenté les prix de l’électricité et de l’eau potable au début du mois de juin, il est effectivement attendu que ces hausses devraient générer près de trois milliards de dollars pour le Trésor égyptien. Une belle bouffée d’oxygène qui devra faire revivre plusieurs secteurs en manque alarmante de ressources, à l’instar des secteurs de la santé ou de l’enseignement.

L’histoire nous apprend que nul pays n’a relancé son économie sans en payer le prix. Personne ne peut nier que l’économie soit confrontée à bon nombre de difficultés. Pour autant, le paysage n’est pas si sombre que ça. Il y a plusieurs raisons d’être optimistes, tentent souvent de rassurer des experts en la matière. Le gouvernement prend au sérieux les mesures de réforme économique, si douloureuses soient-elles, au détriment de sa cote de popularité. Cela va sans dire pour le chef d’Etat qui ne se soucie pas trop de son image auprès du peuple tant qu’il travaille scrupuleusement dans l’intérêt de la patrie, et plus particulièrement au profit des générations futures. La subvention au secteur de l’énergie, le système fiscal, le nouveau code d’investissement, le tout s’inscrit dans le cadre d’un plan ambitieux de réforme dont les effets à long terme feront sourire les Egyptiens. Aujourd’hui, c’est une addiction salée que le peuple doit payer, non sans grogner, mais en gardant et confiance et espoir. Confiance dans l’intégrité et la perspicacité des autorités. Espoir dans un meilleur avenir.

Les taxes récupérées en Egypte ne dépassent pas les 15% du total du PIB. Un taux très bas par rapport au taux moyen de 35%, note Hazem Al-Biblaoui, un grand économiste égyptien. Le gouvernement ne récupère donc même pas 20% de ses droits fiscaux, et ce sont malheureusement les riches qui échappent au système fiscal, déplore-t-il. Il se demandait souvent pourquoi le gouvernement tarde-t-il à poursuivre le plan de la libéralisation de l’énergie avec la suppression des subventions? Le gouvernement a fait le premier pas, le plus difficile, et devrait continuer sur sa lancée. Il est temps que le gouvernement commence à adopter un programme progressif pour la libéralisation de ce secteur. Ce programme est dur mais indispensable. Et la baisse des prix du pétrole facilite la mission. L’Egypte a le potentiel pour progresser, mais cela ne se réalisera que si le gouvernement décide de faire face sérieusement aux questions épineuses, parfois même malgré la grogne sociale. S’il y a des gens qui expriment leur profond mécontentement face à la flambée des prix qui en découle, d’autres plus confiants sont persuadés qu’une telle démarche est d’une si grande importance que l’on ne peut plus reporter à plus tard. La suppression des subventions à l’énergie a véritablement engendré une hausse des prix qui pèse sur les classes pauvres. Cela est certain, poursuit Al-Biblaoui. «Et pour être honnête, les ressources du gouvernement sont limitées et le fait de réaliser la justice sociale et de récompenser les classes les plus modestes par les subventions est une tâche difficile actuellement, quoique impérative», fait-il remarquer en notant que nul pays n’a réalisé la relance économique sans en payer le prix. La relance économique est un travail dur et nécessite des mesures d’austérité pendant une certaine période, avant de se remettre sur la bonne voie.

 

 

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